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29ème commémoration du génocide des Tutsi du Rwanda


"Les tueurs ne furent pas saisis d’un accès de folie, pas plus qu’ils n’étaient les acteurs indifférenciés d’une banale guerre interethnique, si « familière » au continent africain. Le confort des explications en termes de psychiatrie collective ou de géopolitique ethnique a permis aux observateurs internationaux de laisser se dérouler le grand massacre dans l’impunité. Quand l’Occident s’apprêtait, en 1994, à commémorer le cinquantième anniversaire du débarquement des Alliés, la proclamation « Plus jamais ça !» se révéla purement incantatoire.


Le génocide des Tutsi s’inscrit dans l’histoire au long cours d’un discours raciste né de la rencontre missionnaire et coloniale du début du XXe siècle, puis érigé en système de gouvernement par les deux républiques du Rwanda indépendant. La guerre déclenchée, le 1er octobre 1990, entre le Front patriotique rwandais (FPR) et les Forces armées rwandaises (FAR) ouvre une temporalité spécifique mise à profit par les extrémistes hutu pour assurer la préparation idéologique et matérielle de l’extermination. Dès 1990, le « peuple majoritaire » hutu constitue la cible privilégiée d’une mobilisation populaire contre l’ennemi tutsi.


Entre 1990 et 1994, deux logiques meurtrières convergent progressivement, jusqu’à la fusion complète à partir du 7 avril. La première relève d’une dynamique d’Etat : gouvernement, administrations locales, forces armées, finances et transports publics sont concentrés dans l’impulsion et l’exécution des massacres, puis dans l’ensevelissement des corps. La seconde procède du déploiement d’une violence horizontale, celle qui traverse l’ensemble des micro-sociétés du voisinage, des camaraderies scolaires, étudiantes et sportives, des solidarités religieuses et des familles. Prises dans l’étau d’un Etat criminel et de la réversibilité meurtrière de leur monde social, les victimes furent privées de toute possibilité de protection."

(Hélène Dumas. Le génocide au village).

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